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Installation
Hors cadre familial, elle a pris la tête d’une exploitation

Christelle Houpe a entamé et mené à bien sa reconversion professionnelle. Comme deux autres femmes dans l’Indre, elle s’est installée en 2018. L’été dernier, elle a fait sa première moisson et savouré une activité pour laquelle elle semblait taillée.

« La deuxième année, j’ai réussi. J’étais heureuse. Ma famille m’a félicitée. J’aurais tellement voulu que mon papi André soit encore là. Il aurait été si fier de moi. » Non, Christelle Houpe ne parle pas là d’un exploit. Installée en double commande depuis l’année précédente, seule depuis ce début 2018, elle venait pour la première fois de reculer comme il fallait sa benne et son tracteur sous le hangar de La Bretonnerie.

Hors cadre familial, peu de femmes ont pris l’an dernier, dans l’Indre, la tête d’une exploitation agricole. C’est le cas de cette jeune maman reconvertie à l’approche de la trentaine. « J’avais obtenu un bac Comptabilité gestion. J’avais besoin de faire des stages en entreprises dans le cadre de mon BTS Assistante de gestion en PME, PMI. J’ai travaillé chez un concessionnaire de machines agricoles. C’est là que j’ai rencontré mon mari, il était vendeur et passionné par son métier. Il était fils d’agriculteurs implantés à Lafat dans la Creuse. Nous nous sommes installés à Châteauroux. Puis, nous avons déménagé pour venir aux Bordes près d’Issoudun. Je voulais me rapprocher de ma mère après le décès de mon papa, je voulais pouvoir m’occuper du potager et surtout de mon grand-père. Il avait su me communiquer sa passion pour la nature et l’agriculture. Pendant huit ans, j’ai été responsable d’équipe dans une entreprise de réinsertion de travailleurs handicapés. En juin 2015, après mon licenciement économique, je me suis interrogée : Que vais-je ? Je voulais avoir quelque chose à moi. Mon mari, lui aussi, m’avait passé le virus. Je voulais être agricultrice. Il fallait retourner à l’école. J’allais le faire. »

TROUVER D’AUTRES TERRES à LOUER

Une année au Centre de formation professionnelle pour adultes de Naturapolis. Un regard changé sur l’agriculture et, de nouveau, la recherche d’un stage. C’est ainsi que Christelle a rencontré celui qui allait bientôt lui louer les 143 hectares de son exploitation et lui vendre ses machines. Il voulait mettre le pied à l’étrier à un jeune.

Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (BPREA) en poche, la jeune femme a commencé à oeuvrer avec son cédant en avril 2017. « Grâce aux conseils avisés de Véronique Sonzogni et de Michel Georjon, chargés, à la chambre d’agriculture, de gérer les transmissions et les installations, tout s’est passé pour le mieux. J’ai été aidée, bien accompagnée. Et on m’a fait confiance. Tant au Crédit Mutuel qu’à Cer France, je remercie mes interlocuteurs, et aussi mon cédant et les membres de sa famille. Sans leur aval, mon projet n’aurait pas pu aboutir. Je suis seule aux commandes depuis le 1er janvier 2018. » Christelle a fait sa première moisson l’été dernier. « Oui, une femme peut mener seule une exploitation. Elle peut cultiver et récolter. C’est une question d’organisation. Le parcellaire est proche de la ferme. A l’époque de la récolte, je partais avec un tracteur et une benne. Je revenais à vélo chercher le second attelage. Puis encore une fois à bicyclette pour repartir avec la moissonneuse batteuse. »

Satisfaction : les rendements obtenus sont dans la moyenne de l’Indre. Colza, blé, orge, l’an dernier. Cette année, ce sera blé, orge de printemps et tournesol. La sécheresse de fin d’été lui a fait peur, elle n’a pas voulu prendre de risques avec les semis précoces.

« J’ai des objectifs à atteindre. Ils sont imposés par les aides qui m’ont été octroyées. Je souhaite me diversifier progressivement. J’aimerais changer les rotations. D’abord, j’apprends à maîtriser. Une fois que c’est fait, je passe à autre chose. J’ai des emprunts à rembourser, je ne dois pas faire d’impair. Et puis, j’aimerais m’agrandir dans un avenir proche, en louant. On me l’a dit : pour qu’elle soit viable en Champagne berrichonne, une exploitation doit au moins s’étendre sur 200 hectares. »

PAS DE DROIT A L’ERREUR

Des regrets, Christelle n’en a pas. Elle est heureuse de sa qualité de vie, d’être son propre chef, de sa liberté. Le travail lui plaît. Même si les journées sont parfois un peu longues dans les grandes parcelles quand le tracteur avance tout seul, guidé par GPS. « Un agriculteur est un chef d’entreprise. Une grande partie de son temps est consacré à la gestion et aussi à la commercialisation qu’il ne maîtrise pas. Pas de prix fixe, pas de sécurité dans la vente, on peut facilement se casser la gueule. On n’a pas le droit à l’erreur. Il faut avoir une bonne stratégie. Il faut savoir prendre les bonnes décisions. »

DOUBLE VIE

Et physiquement, pas trop dur ? « Non, le matériel est adapté. Une femme peut l’utiliser. Une personne handicapée, parfois, aussi. La mécanique, c’est pas mon fort. J’arrive à changer une dent sur une machine aratoire. Mais il faut de la force. Les vidanges, c’est avec mon mari. Et pour les pannes, je fais appel aux professionnels. Tout le monde doit pouvoir travailler. » Et l’accueil réservé par les collègues ? « Personne ne m’a jamais rien dit en face. Mais des mots me sont revenus. On a parlé d’installation déguisée. On m’a prévu l’échec à court terme. Dans ce monde majoritairement masculin, il faudrait davantage de femmes. Nous pouvons tout apprendre nous aussi. Avec les livres et avec le temps tout le monde peut apprendre. Et puis l’agriculture d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier. Hommes comme femmes, nous devons savoir nous remettre en cause, nous adapter. D’autant qu’on est toujours apprentis dans ce métier. Toujours à la merci d’une erreur. Généralement, les agriculteurs ont pris la succession de leurs parents. On leur a tout servi sur un plateau d’argent. Je n’ai pas hérité d’un tout acquis. Je me bats pour avoir quelque chose. Et je profite de mes expériences précédentes. En matière de gestion et de comptabilité, elles me sont bien utiles. Je ne fais pas parler de moi. Je ne souhaite pas me mettre en avant, mais je suis présente et pas du tout disposée à me laisser faire. »

Et la double vie ? Dans les champs et au foyer ? « Tout est question d’organisation, là aussi. Il faut faire fonctionner son cerveau et revenir à vélo. Je n’ai pas de chef. Pas d’horaires à respecter. J’ai la chance d’avoir peu de besoins en sommeil. Levée à 6h30, je ne me couche guère avant une heure du matin. Ça me laisse le temps de faire tourner la maison. Le plus dur a été de reprendre l’école alors que Célia était déjà là. Mes proches se sont mobilisés pour m’aider. Les choses ont changé maintenant. Un soir de l’été dernier, ma fille, aujourd’hui âgée de huit ans, est restée avec moi dans la cabine de la moissonneuse jusqu’à 23 heures. »

Courageuse Christelle et déterminée. Sûrement pour la plus grande fierté de son mari. Lui aussi a une double activité. Il vend des machines agricoles la semaine et est paysan le weekend sur l’exploitation qui appartenait naguère à ses parents.  

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