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Des plantes et du lait

Gaillet, galega, euphorbe. Entre ces trois genres de plantes, très différents, le lait est une sorte de trait d'union. Mais, de l'une à l'autre, il n'a pas le même sens : la première resta longtemps au service de l'étable, la seconde vint au secours de l'allaitement humain ; quant à la troisième, elle vaut pour les fines gouttes qu'elle exsude par tous les bouts, gouttes qui ressemblent au lait mais qui, bien sûr, sont de nature totalement différente. Petite explication.

Jaune (Galium verum), croisette (Laeviceps cruciata), blanc ou mou (Galium mollugo), gratteron (Galium aparine), et quelques autres, le gaillet a un lien évident avec le lait : le mot n'est-il pas tiré de la racine grecque gala qui signifie « lait » ? C'est le « caille-lait », devenu « gaillet » en langage vernaculaire.

Bien que souvent catalogué de « mauvaise herbe », le gaillet a, dans le temps passé, rendu de nombreux services. Et le jaune, le premier d'entre eux : il était une sorte de présure au naturel qui ne coûtait rien, si ce n'est le temps passé à le récolter ; de son côté, le gratteron qui, l'été, a la fâcheuse habitude de se coller au vêtement, à la chevelure, au poil du chien ou d'enlacer furieusement les plantes voisines - en bref, il est du genre envahissant - servait à filtrer le lait, via ses longues tiges à crochets roulées en boules au fond de l'entonnoir. C'était le temps d'hier où, à l'étable, la fermière passait d'une vache à l'autre, le seau à la main. Manière de faire très artisanale qui, aujourd'hui, angoisserait le maniaque de l'hygiène à tout prix ; mais, il est vrai aussi, manière assez peu fiable, car elle requérait des conditions optimales de température, air et lait (qui devait être juste tiède). Difficiles à réunir lorsqu'on ne maîtrise pas le temps qu'il fait !

Galega pour la montée de lait

Le Galega officinal (Galega offi-cinalis), on le voit, est de même racine grecque « Gala » le lait. Il se nomme aussi « herbe aux Chèvres ». Lui est réputé galactogène : autrement dit, il augmenterait la production de lait chez la femme allaitant un nourrisson, son propre enfant et/ou celui d'une bourgeoise au teint diaphane qui, très vite, devait mettre ses seins à l'arrêt. Aujourd'hui, la science se méfie. Par ailleurs, on sait que le bétail - vaches et moutons, surtout - l'évite spontanément : si elle semble inoffensive à l'état frais, il n'en va pas de même lorsque sèche, elle passe dans la panse animale. D'ailleurs, pas folle, la bête ne s'y trompe pas : elle commence par faire la fine bouche, refuse même sa ration mais se résout à la consommer si elle n'a rien d'autre à se mettre sous la dent. Puis, cela arrive, trépasse.

Plutôt méditerranéenne, la plante tend, réchauffement climatique oblige sans doute, à remonter vers le nord. Désormais, elle est présente en Berry, surtout en Champagne berrichonne où, à la fin du printemps, dans les prés, sur les berges des ruisseaux ou en bord de route, elle déploie de jolies fleurs bleues et des feuilles pareilles à celles du sainfoin - n'est-elle pas aussi nommée « sainfoin d'Espagne » ? Toutes deux sont des Légumineuses, de la grande famille des Brassicacées.

Et l'Euphorbe ?

Pas une, mais des centaines d'espèces (plus de 1 600 connues à travers le monde). Avec elle, c'est une toute autre histoire de lait. Du « lait » qui, ressemblant au « vrai », n'a en fait rien à voir avec lui. Liquide de même couleur, certes, mais sans la douceur : vésicant, il est furieusement toxique. En fait, il s'agit d'un latex qui jaillit de toutes parts, dès la moindre rupture des tissus, feuilles, tiges. Appliqué sur la peau, il l'enflamme ; projeté dans les yeux, il les brûle ; ingéré, il provoque des vomissements et autres joyeusetés intestinales. Autant dire qu'il vaut mieux ne pas porter la plante à la bouche. Cela aussi, les bêtes domestiques le savent d'instinct : elles tournent autour d'elle mais se gardent de la consommer. Ce qui n'empêcha pas les médecins d'hier de la prôner comme purgatif et tant pis pour les dégâts collatéraux. D'ailleurs, il est une espèce, l'Eurphorbe lathyrienne ou épurge (Euphorbia lathyris)qui porte les noms plutôt évocateurs de « purge » ou de « tire-fort ».

Lait animal, lait végétal

Du lait animal, de vache, de chèvre ou de brebis au « lait » végétal d'Euphorbe, la distance est grande : l'un est nourricier, l'autre toxique. Côte à côte, sur un même talus - cela arrive gaillet, galega et euphorbe participent ainsi à cette idée que, dans la nature, les plantes ne sont jamais totalement mauvaises : il suffit de les connaître et d'en prendre le meilleur ; mais aussi de se souvenir qu'elles ont, chacune à leur façon et à une époque donnée, rendu bien des services. Si décrié aujourd'hui, le gaillet aidait hier à transformer le lait ; pareillement vilipendé comme plante « invasive », le galega sut proposer ses vertus galactogènes ; quant à l'euphorbe épurge, si son « lait » ne doit surtout pas effleurer les lèvres, elle a, malgré tout, connu la gloire dans les jardins monastiques du grand Charlemagne qui en pinçait pour elle, puis des siècles suivants. C'était le temps où, comme la saignée, la « purge » était pratique courante, bonne pour faire passer toutes sortes de maux.

Mais, pour ces trois types de plantes, la science a, au fil du temps rebattu les cartes : la présure au naturel a, depuis belle lurette, laissé place à d'autres techniques tandis que les soins médicaux - montée de lait, « purge » intestinale, par exemple - font désormais appel à de nouvelles substances scientifiquement plus sûres…

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