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CRISE AGRICOLE
Remettre de l'humain au cœur des échanges

Pas de tabous et quelques réponses pas toujours convaincantes, selon les participants… Le 3 novembre, dans l’auditorium du Crédit Agricole à Châteauroux, la FDSEA a tenu sa promesse : libérer la parole face à la crise agricole devant les organisations professionnelles agricoles et les représentants de l'administration.

Face à la MSA, aux banques, aux assureurs, aux services de l’État, ainsi qu’aux représentants des conseils départemental et régional et de la sénatrice Nadine Bellurot, les agriculteurs ont parlé à cœur ouvert de leur mal-être, de leur défaut de trésorerie, de la fragilité économique des exploitations et des nombreux obstacles rencontrés avec les OPA.

 

Une certaine apathie dénoncée

Ils étaient près de 200 à répondre à l'appel de prise de parole lancé par la FDSEA 36, ce lundi 3 novembre, dans la salle mise à disposition par le Crédit Agricole Centre Ouest. Parmi ceux qui ont osé prendre le micro, le manque d'empathie de certains services a été dénoncé. « Arrêtez avec vos plateformes numériques, la dématérialisation, l'agriculture 2.0 ! Revenez dans nos fermes voir notre réalité. Ça vaut mille mots dans un bureau ! », ont-ils lancé à la cantonade à destination de la MSA et du Crédit Agricole.

D’autres ont rapporté des propos blessants de conseillers : « Au téléphone avec la MSA, mon interlocuteur m’a répondu que si je n’étais pas content, il fallait changer de métier », a fustigé un agriculteur à l’adresse du directeur de l’organisme. Dans la foulée, une éleveuse a témoigné de son expérience avec une conseillère bancaire dont les propos déplacés l'ont meurtrie. Elle s'est sentie dévalorisée « alors que je venais pour trouver des solutions. Déjà que demander une solution bancaire à court terme n'est pas facile, ça n'aide pas ! ».

Les OPA ont écouté et tenté d’apporter des explications sur certaines situations, comme les problématiques de pensions de réversion, les pénalités appliquées en cas de retard de paiement de cotisations MSA, ainsi que sur les solutions bancaires mobilisables pour traverser les périodes difficiles. « Il y a des remontées terrain qui sont dures à entendre, mais nécessaires pour que l’on puisse s'améliorer, recadrer les choses, notamment sur l’accompagnement des agriculteurs en difficulté », a reconnu Guillaume Mourand, responsable de la filière agricole au Crédit Agricole Centre Ouest.

 

La vérité du terrain s'est exprimée avec des mots justes et forts, mêlant émotion et colère

Le poids de la charge mentale

En filigrane de tous les témoignages, le désarroi et le mal-être agricoles étaient palpables. « À l’époque de mes parents, les temps étaient durs, mais il y avait des larmes de joie. Aujourd’hui, je bosse 70-80 heures par semaine pour rien ; je pleure tous les jours et ce ne sont plus des larmes de joie », a confié avec émotion un agriculteur de Champagne Berrichonne. Quelques minutes plus tard, un autre céréalier du secteur a pris la parole, avouant que « s’il y a douze ans, au parcours installation, on m’avait dit l’agriculture c’est ça aujourd’hui, pas sûr que je serais agriculteur ». Une confidence désarmante, car il a le métier chevillé au corps.

« Le contexte économique est plus que tendu, notre modèle économique est à remettre en question de manière importante », poursuit-il, ajoutant : « Le regard de la population est pesant. Les enjeux environnementaux et sociétaux mettent une pression folle. On nous dénigre dès que l’on sort le pulvé, le semoir, quand nous travaillons simplement. On survit pour les nourrir ! Ce contexte au niveau mental est une charge très lourde à porter. C’est de plus en plus intense ». La salve d’applaudissements qui a suivi atteste du mal-être dans lequel est plongée la profession. « Il a très bien résumé notre état d’esprit », murmurait un agriculteur.

À cela s’ajoute une pression sociétale et législative jugée insupportable. « Nos normes européennes et surtout franco-françaises avec lesquelles on touche le fond, ce n’est plus possible, c’est du harcèlement contre la profession. Le constat est amer, même le plus motivé en a ras le bol », a formulé un éleveur, tandis qu’un autre soulignait : « Dans un marché mondial, tout le monde devrait avoir les mêmes normes, c’est loin d’être le cas ».

 

La MACF, la taxe de trop

En matière de normes, la taxe carbone sur les engrais, annoncée pour le 1er janvier, met le feu aux poudres. « On met une taxe carbone sur le métier le plus décarboné possible, c’est incroyable », commentait un producteur. « On vend des céréales à 100-150 €/t, il manque près de 60 € pour arriver au coût de production, et non pas de rémunération. Quant à la taxe carbone qui est le pompon, si on nous recolle 120 ou 140 €/t sur l’engrais, ce n’est juste plus la peine de continuer à travailler », pestait un céréalier.

Avec le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), la profession craint une explosion des prix des engrais, alourdissant encore les charges opérationnelles à l’hectare, déjà doublées depuis 2020. La mise en place de la MACF serait une catastrophe économique pour les exploitations. La sénatrice Nadine Bellurot s’est saisie du dossier et s’engage à « continuer d’intervenir en votre faveur sur ce sujet auprès des ministres, comme je l’ai déjà fait pour leur demander l’abandon de cette taxe carbone ». Cependant, cet engagement ne convainc plus l’assistance, l’un des participants scandant : « Ça fait deux ans qu’on ne nous écoute pas, qu’on nous mène en bateau et que rien n’est fait », un sentiment que la sénatrice a reconnu, précisant qu’elle ne cesse de remettre l’ouvrage sur le métier.

À Jérôme Tellier de conclure en s’adressant aux différentes OPA présentes : « J’espère que vous avez pris la pleine mesure de la réalité, pas celle des tableaux Excel, des stats… mais celle de la souffrance qui touche les exploitations et les familles. Maintenant, vous savez ! »

La balle est dans le camp des organisations professionnelles agricoles. « Agir vite est une nécessité. On a besoin de faits, d’actes, de courage et non plus de promesses », a insisté le président de la FDSEA 36. Le syndicat poursuit le combat en portant les témoignages oraux et écrits collectés lors de ces trois heures de réunion auprès des différentes instances concernées, locales, régionales et nationales, « en ne laissant aucun agriculteur seul avec ses problèmes », a-t-il assuré.  

 

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