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Yacouba Sawadogo, « l’homme qui arrêta le désert »

  Yacouba Sawadogo, paysan burkinabé, a sauvé son village de la désertification en faisant appel à une technique agronomique ancestrale et à son observation de la nature. Un destin inspirant.

Yacouba Sawadogo fait partie de ces hommes à l’engagement modeste, mais remarquable. Ce Burkinabé, âgé aujourd’hui de 85 ans, a reçu en 2018 le prix Nobel alternatif (décerné par la fondation Right livelihood). Sa prouesse : avoir implanté une forêt dans un village du Burkina Faso menacé de désertification. Dans les années 80 au nord-est du pays, son village, Gourga, est rattrapé par des vents chauds extrêmes. Une sécheresse s’installe, entraînant la famine. Les trois-quarts des habitants abandonnent alors les lieux. Yacouba, lui, décide de sauver son village et de ne pas laisser le désert s’y installer. Il plante d’abord des céréales : du mil et du sorgho pour faire office de rempart contre les vents chauds. Puis, il plante des arbres et des arbustes. Le Burkinabé utilise pour cela ses savoirs agronomiques. « Il a observé son territoire et, pour planter, a réhabilité la technique du zaï* », explique Damien Deville, docteur en géographie et en aménagement du territoire, venu raconter cette histoire en conférence à Tours.

L’ADAPTATION D’UNE PRATIQUE ANCESTRALE

Il s’agit de creuser un large trou d’environ 15 cm de profondeur et d’y placer un peu de matière organique en même temps que la graine ou le plant. La terre retirée est déposée en croissant en aval du trou. Ainsi, au cours de la saison sèche, les sables, limons et matières organiques transportés par le vent vont être piégés dans les poquets. Ces débris organiques attirent les termites. Or, ces dernières jouent le même rôle que les vers de terre : elles dégradent la matière organique et structurent le sol en creusant des galeries, qui vont aider à l’infiltration de l’eau. A la saison des pluies, la cuvette va concentrer l’eau de pluie et le croissant de terre va capter l’eau de ruissellement, enrichie par les nutriments transformés par les termites. Cette technique de culture concentre ainsi les eaux de ruissellement et les matières organiques. Yacouba a adapté la pratique du zaï, en la mettant en œuvre deux mois avant la saison des pluies, et non lors des premières pluies. Il l’a également complétée avec l’installation de cordons pierreux sur la parcelle, afin de limiter la course de l’eau sur la terre sèche et de faciliter son infiltration. Et puisqu’on est en Afrique et que la spiritualité est omniprésente, Yacouba a aussi fait appel à des savoir-faire traditionnels. Il vient en effet d’une lignée de paysans, les Sawadogo (littéralement : les faiseurs de nuages), dont on dit qu’ils savaient faire revenir la pluie... Son pari agronomique a été payant, puisque la croissance des plantes s’est montrée plus rapide en plantant en saison sèche plutôt que juste avant la saison des pluies.

LA FORÊT, REMPART CONTRE LE VENT ET SOURCE D’HUMIDITÉ

Aujourd’hui, Yacouba est surnommé « l’homme qui arrêta le désert ». Les arbres ont en effet poussé, jusqu’à former une forêt d’une trentaine d’hectares. Elle se compose d’environ quatrevingt-dix essences différentes, toutes avec des propriétés médicinales : acacia, baobab, papayer, prunier, arbre du voyageur… « Dans la grande majorité, ce sont des essences du Burkina Faso, du Niger ou des pays côtiers », précise le géographe. La forêt forme une protection contre les vents forts du désert, et elle retient l’humidité, créant un microclimat. Toute une faune sauvage a repeuplé les lieux… Les habitants et les paysans sont également revenus, ont pu cultiver, s’en tirer un revenu, et ainsi se nourrir et éduquer leurs enfants. C’est tout un village qui a gagné face au désert. « En écologie, on peut penser que, pour sauver le vivant dans certains territoires, il faut que l’humain les déserte. Mais voici un exemple contraire. Parce que Yacouba est resté, il a sauvé ce territoire, il l’a agradé », fait remarquer Damien Deville. Et ce dernier de prendre l’exemple français des Cévennes, une zone géographique désertée, où la biodiversité s’écroule. L’histoire de Yacouba pourrait servir d’exemple et faire tache d’huile. Mais au Burkina, comme dans le Sahel en général, la crise sécuritaire constitue la préoccupation prioritaire, et la reforestation est reléguée à un second plan. Cette histoire vraie aux allures de fable montre, s’il en était besoin, qu’observer la nature et agir en symbiose avec elle est toujours payant. 

* En langue mooré, zai’ vient du mot « zaïégré » qui signifie « se lever tôt et se hâter pour préparer sa terre ». Car la technique a l’inconvénient de nécessiter 300 heures de travail à l’hectare.

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