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BOTANIQUE : Primevères... et printemps

Elles portent bien leur nom, les primevères, premières fleurs du printemps comme sous entendu… Jaune pâle dans la nature, elles se bariolent au jardin, soulignant ainsi qu’elles se prêtent volontiers au jeu des nuances. Mais surtout, elles signent l’arrivée des beaux jours, jolies taches de couleurs sur l’herbe à peine reverdie, le bord de la terre encore brune.

En latin, primevère c’est Primula qui signifie « premier », soit la première fleur du printemps. Dans l’ancien français, dérivé du latin, Primevère signifie « printemps » - et ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que la plante lui emprunta son nom. Ce qui, vu son côté primeur, se comprend facilement. D’ailleurs, elle donna d’ailleurs son nom à la famille des Primulacées. Cette dernière se caractérise par une corolle d’une seule pièce (si on tire sur un pétale, tout vient) et des feuilles généralement gaufrées placées en rosette à la base. On y trouve aussi d’autres plantes telles que le mouron rouge (en fait, fleurs rouges ou bleues), inconditionnel des champs sablonneux et pas toujours apprécié des agriculteurs.

 

CHEZ NOUS, TROIS ESPÈCES

Deux d’entre elles sont assez courantes, la troisième un peu plus rare. La première à sortir sa corolle, dès la fin du mois de février, est la primevère acaule, (Primula vulgaris), fragile et courte au ras du sol, encadrée de ses feuilles ridées. On la croise volontiers sur les rives des massifs forestiers, le long des chemins bordés de haies. De sa corolle jaune pâle, se dégage un léger parfum de miel et de fraîcheur. Puis, vers Pâques (mais, de plus en plus, avant), se dévoile la seconde, soit la primevère officinale (Primula officinalis), mieux connue sous le nom de « coucou ». Carrément jaune d’or et constellées de points orangés, ses corolles se posent sur un calice en tube à dents courtes. Ici et là, elle pousse en touffes sur les bords des chemins, dans les prés non traités et les sous-bois. Privés chez eux de cette belle plante - disparue ou quasi, pour cause de pollutions et de milieux dégradés -, les Anglais en raffolent et, comme des enfants, en font moisson de photos. Enfin, la troisième, plus rare, la primevère élevée (Primula elatior) se reconnait à sa corolle plus large, de couleur jaune soufrée et sans odeur particulière. Elle se plait dans les prés humides et ombragés, dans les bois plus frais, sur les berges de quelques chemins bien encaissés.

 

BONNE À DÉGUSTER

 Le « coucou » est très apprécié, des hommes et des bêtes. Autrefois, les premiers consommaient ses jeunes feuilles en salade et, avec ses fleurs fraîchement cueillies, confectionnaient une infusion légère, joliment nommée « thé de primevère » qu’on administrait aux enfants nerveux. La racine, qui possède un arrière- goût de girofle et d’anis, servait aussi à aromatiser la bière « maison ». Enfin, mais surtout dans le nord de l’Europe, elle entrait dans la fabrication d’une boisson légèrement vineuse et fermentée, à base de jus de citron et de miel. De leur côté, chèvres et moutons broutent volontiers ses feuilles tandis qu’abeilles et bourdons sauvages visitent sa corolle pour en recueillir le précieux nectar.

 

MÉDICINALE, AUSSI

 Au Moyen-Age, la primevère s’appelait « herbe à la paralysie » ou « clé de Saint-Pierre ». Elle fut effectivement recommandée pour soigner la paralysie, y compris celle de la langue (ainsi que le bégaiement), mais nul n’apporta la preuve d’une quelconque efficacité de ce remède. D’ailleurs, nombreux en ont douté, comme l’Abbé Rozier qui, en 1789, écrit « mais il est démontré que les fleurs ne raniment pas sensiblement les forces vitales et musculaires, quelque dose qu’on les prenne… ». * Si bien que les siècles suivants l’avaient oubliée. Puis elle refit surface, cette fois pour soigner migraines et maladies de poitrine, telles que bronchite, pneumonie, état grippal, coqueluche (dans ce cas, on la nomme « coqueluchon ») mais aussi rhumatismes. Pour cela, sa racine était recherchée, utilisée en décoction. Enfin, en usage externe (compresses), elle calmait meurtrissures et plaies diverses. Aujourd’hui, ces propriétés sont plus ou moins reconnues.

 

UN PEU DE POÉSIE, QUELQUES CROYANCES

Qui ne font pas de mal… Au-delà de ces utilités très concrètes, la primevère sut inspirer le poète, toujours prêt à rendre hommage à une jolie fleur comme à une jolie dame. Pierre de Ronsard qui s’étonne de sa fraîcheur et de sa fragilité, la relie tout naturellement à la jeunesse : « mignonne, Tandis qu’à votre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse Comme à cette fleur, la vieillesse Fera ternir votre beauté. » Et la superstition… Plus trivialement, la primevère avait un lien - bizarrement négatif - avec la poule pondeuse. Dans certaines campagnes, on pensait qu’un innocent bouquet, rapporté par un enfant, l’empêcherait de déposer l’oeuf attendu ; ailleurs, il fallait que le premier cueilli en saison compte au moins 13 fleurs sans quoi, là encore, la volaille ferait sa capricieuse, refusant de jouer le rôle pour lequel on l’avait embauchée.

 

PARTERRES FLEURIS

Et la primevère se retrouve au jardin, en bonne place, dès les premiers beaux jours. Cette fois, elle est de toutes les couleurs, bleue, rose, jaune bien sûr - quoique plus pétant -, rouge, violette… Il s’agit là de variétés horticoles, savamment agencées et très décoratives, mais parfois vénéneuses - ainsi, les primevères de Chine et du Tibet, respectivement introduites en France en 1819 et 1880. L’avantage est que l’on peut les garder chez soi, durant la saison hivernale. Mais, cette fois, loin du printemps...

* Abbé Rozier, Cours complet d’agriculture, 1789  

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