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Fruits nourriciers : variétés paysannes, vvariétés bourgeoises

Un pommier ou un poirier en fleurs « fleurissent en neige » disaient autrefois les paysans normands qui, dans l’air frais du printemps, s’émerveillaient des floraisons blanches teintées de rose et de mauve. Le Berry n’a pas à rougir de ses variétés fruitières, qu’elles soient « paysannes » ou « bourgeoises ». 

Au départ, les forêts gauloises hébergeaient un pommier sauvage, Malus sylvestris. De ce sauvageon, Malus domestica, dérivèrent nombre de variétés fruitières qui, dès le Xe siècle, se mêlèrent à d’autres, venues des contrées les plus fraîches de l’Espagne. Au fil du temps, les paysans semaient des pépins, jetaient des trognons au sol : quelques années plus tard, y poussaient de solides fruitiers. Les variétés portaient des noms simples et savoureux : la poire berrichonne « nipé nimé » (ni père ni mère), preuve qu’elle était née d’un semis de hasard, les pommes « Museau de lièvre », « Court-pendu », « Queue de rat », Tête de Brebis », « Groin d’âne ». Pour autant, elles ont traversé les siècles, résisté à la maladie et au parasite, conservé, voire amélioré leurs qualités gustatives. 

UTILES ET APPRÉCIÉES 

A ces variétés, les paysans reconnaissaient mille vertus. Bien que souvent âpres, les fruits fournissaient la part sucrée d’un repas trop souvent pauvre et monotone ; ils faisaient la vie moins aride et même rieuse lorsque le cidre coulait à flot, quoique plus sinistre lorsque l’eau-de-vie se buvait au goulot ; ils donnaient des aliments sûrs, bien dosés en vitamines, voire de possibles médicaments. D’autant que, bien conservés, ils pouvaient tenir jusqu’à la fin du printemps, être transformés en confitures, vinaigres, gelées et sirops et, bien sûr, en cidre et alcools forts. Mais, trop paysannes, mal connues, ces variétés subissaient le mépris des pépiniéristes. 

LOUIS XVI, LA QUINTINIE ET LE COURTISAN 

Car à côté, se pavanaient les variétés dites « bourgeoises ». Dans ses rêves de grandeur, Louis XIV, avait lancé l’arboriculture fruitière en demandant au jardinier JeanBaptiste La Quintinie de dessiner le jardin de Versailles. Lequel, sans tarder, planta moultes variétés, pommes et poires, mais aussi prunes, cerises, abricots… destinées à garnir la table du roi en toutes saisons et testa, entre autres, la technique de la greffe du poirier sur cognassier.  

LES RICHES HEURES  DE L’ARBORICULTURE 

Le temps d’une saison, les élites, aristocrates et bourgeoises, gagnaient leur campagne, où elles respiraient l’air pur, reprenaient vigueur, sur les allées ombrées d’arbres fruitiers. Fraîchement cueilli, le fruit facilitait la digestion d’un festin souvent riche et arrosé. Ici, régnaient quelques maîtres mots - symétrie, ordre, propreté, beauté, harmonie -, loin de la confusion du jardin paysan, centré sur ses rangées de choux et de fèves roboratives, juste coiffées de quelques rustiques pommiers. 

UNE SCIENCE  « D’HONNÊTE HOMME » 

Quantité de variétés ont ainsi vu le jour dans l’enceinte d’un jardin de château, chez un pépiniériste ou un amateur éclairé. Certaines intégrèrent même le « cabinet de curiosités » de plein air. C’était l’époque où, considérée comme une science d’honnête homme, l’arboriculture fruitière donnait lieu à échanges, comparaisons, améliorations techniques, traités divers… Cependant, il arrivait qu’un bourgeois motivé jetât un œil sur les beaux arbres d’un de ses voisins paysans, en savourât les fruits, puis se dise que, de leur rusticité alliée à la délicatesse des siens, pouvait émerger une variété belle et bonne. 

DES VARIÉTÉS « D’OBTENTION » 

Le résultat est bien là : au XIXe  siècle, le grand pépiniériste André Leroy (1801-1875) décrit dans son dictionnaire de pomologie, 915 variétés de poires et 571 variétés de pommes, nombreuses à porter le nom d’une belle dame, « Impératrice Eugénie » ou d’une personnalité locale tel ce médecin de l’Aube « Jules Guyot » auquel, en 1870, le pépiniériste Ernest Baltet rendit hommage. Incontestablement, c’est entre les années 1750 et 1900 que fleurirent nombre de sociétés adeptes du verger et que, sur la base d’un énorme travail de sélection, s’obtint quantité de variétés et d’excellents cultivars.  C’est ainsi que, côte à côte, variétés « paysannes » et variétés « bourgeoises » ont su, ensemble, créer un fantastique catalogue d’arbres fruitiers où ingéniosité, pragmatisme, savoirs et savoirfaire se conjuguèrent pour fabriquer de la diversité, de goûts, de couleurs et d’odeurs, pour varier les plaisirs, également…

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