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Le cresson résistera-t-il au changement climatique ?

    À Huismes en Indre-et-Loire, Louise de Verneuil et Vincent Laurens ont repris l’exploitation familiale de cresson après sept années d’inactivité. La première récolte fut fructueuse mais le déficit hydrique de ces derniers mois inquiète les producteurs. En ce début d’année, la sécheresse impacte déjà grandement les rendements.

C’est au lieu-dit l’Ermitage, sur la commune de Huismes (37), que Vincent Laurens et sa femme Louise de Verneuil exploitent une cressonnière en production biologique. Le site de 9 ha appartient à la famille de Louise depuis environ 300 ans. Le couple s’y est installé en 2021. Vincent Laurens, originaire des Pyrénées, est tombé amoureux du cresson dès sa rencontre avec Louise il y a une vingtaine d’année. Ainsi, il connaît bien cette plante herbacée qu’on trouvait autrefois près des cours d’eau et aime parler de son histoire : « Le cresson poussait naturellement en France. L’idée de le cultiver est originaire d’Allemagne. Elle a été ramenée par un médecin de l’armée napoléonienne, explique-t-il. À l’Antiquité, il était utilisé comme plante médicinale. » Après de longues années passées à Paris, Vincent Laurens reprend la culture de cette plante aquatique en Touraine. Sa belle-famille l’épaulera quant aux choix techniques à réaliser. Le couple reprend l’exploitation après sept années d’inactivité. Evidemment, avant de commencer la production, une remise en état du site est indispensable. C’est pourquoi Vincent Laurens y passe de longues journées. Aucun engin ne peut pénétrer à l’intérieur de la serre, le nettoyage des bassins s’effectue donc manuellement.

UN ITINÉRAIRE TECHNIQUE PARTICULIER

Le cresson pousse exclusivement dans des zones humides. A l’Ermitage, il s’épanouit sous serre. Celle-ci est située près d’une source artésienne qui assure un approvisionnement constant en eau de qualité. L’exploitant sème son cresson en juillet dans des bassins de trois mètres de large disposant d’une pente d’1 %. Ainsi l’eau s’écoule par gravité, continuellement. Disposer d’une eau non stagnante est un critère indispensable au bon développement du cresson. L’eau doit être aux alentours de 12°C. La plante est ensuite régulièrement roulée afin qu’elle soit immergée par intermittence. Seules certaines décoctions sont utilisées de manière anecdotique pour lutter contre les pucerons ou les altises. La récolte du cresson débute généralement en septembre et se termine vers Pâques. Tout au long de cette période, Vincent coupe quotidiennement des tiges qu’il conditionne en bottes. Un même bassin peut voir de multiples repousses durant la saison. Il vend le fruit de son labeur à des AMAP*, des magasins spécialisés en bio, à quelques magasins de producteurs et à des restaurateurs locaux.

LE CHANGEMENT CLIMATIQUE MET À MAL LA PRODUCTION

Depuis début 2022, des problèmes liés au réchauffement climatique surviennent. « La fin de campagne 2021/2022 fut prématurée car les cressons sont montés en fleurs trop rapidement, détaille Vincent Laurens. En revanche, les grosses chaleurs de l’été 2022 ont décalé la date de récolte d’un bon mois, soit en novembre dernier. » Dans la serre de 1500 mètres carrés qui compte 26 bassins, 18 ont été semés l’été dernier. Sur ces 18, seuls 8 sont en état d’être récoltés, faute d’eau. « J’estime que la perte avoisine les 70 % », déplore le gérant. Ce n’est pas le manque de pluie de ce début d’année 2023 qui va rassurer le cressiculteur. Il observe déjà la baisse significative du niveau de l’eau dans la rigole alimentant ses bassins. « Le niveau actuel est en deçà de 20 cm par rapport à l’année dernière », regrette-t-il. Même si la chaleur peut également affecter la pousse, c’est avant tout le manque d’eau qui inquiète Vincent Laurens. En effet, le cresson est une plante aquatique et est donc très dépendant de la ressource en eau. Par souci de qualité, cette dernière est régulièrement analysée afin de s’assurer qu’elle ne soit pas polluée. Cette sécheresse hivernale rarement rencontrée amène un risque de tarissement de la nappe phréatique. D’autant que de nombreuses autres plantes qui cherchent de l’eau de plus en plus profondément seront en concurrence avec le cresson au printemps prochain. « Quand nous avons repris cette exploitation familiale, nous savions que l’accès à l’eau deviendrait tôt ou tard un enjeu majeur, détaille le chef d’exploitation. Mais nous n’imaginions pas ça pour 2023, plutôt pour 2040. Je ne suis pas de nature pessimiste, mais après un tel mois de février, je commence à me poser des questions sur la pérennité de notre activité. » Néanmoins, le couple n’envisage pas la création de forage qui entraînerait l’utilisation d’une pompe, énergivore. Ce serait contre ses valeurs écologiques et le coût engendré serait excessif (investissement et exploitation). Toutefois, il espère pouvoir continuer ses activités malgré les sécheresses à répétition. Il aspire même à produire ses propres semences cette année. Enfin, dans le but de se diversifier, le couple a mis en place un atelier apicole et un second de plantes médicinales et aromatiques.

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