PATRIMOINE
Le jardin de Nohant : le paradis selon George Sand
A Nohant, la demeure de George Sand et son jardin ne font qu’un. L’un comme l’autre reflètent l’âme de l’écrivaine. Un jardin remarquable que Benjamin Aubourg et Frédéric Vélu s’attachent à entretenir, améliorer, perfectionner. Leur objectif : redonner au jardin son caractère d’antan.




Logé au cœur de la Vallée noire, le jardin de Nohant est un havre de paix, mieux un paradis comme l’écrivit George Sand à son fils, Maurice, dans une lettre datée du 3 avril 1852 : « Nohant est beau, fleuri, propre, ratissé, reluisant comme le paradis... ». Il couvre 6 hectares et comprend en plus de la roseraie réhabilitée, un potager, des arbres fruitiers, un sous-bois et des espaces de prairies naturelles. Une mosaïque de végétaux où le rigorisme de la roseraie tranche avec des espaces plus sauvages, où la flore locale a la part belle.
RÉINSTALLER DES VARIÉTÉS FLORALES DU XIXE SIÈCLE
Benjamin Aubourg est un habitué des lieux, car il y a œuvré jusqu’en 2015 avant d’explorer de nouveaux horizons professionnels. De retour au domaine depuis octobre dernier, il s’attache à redonner son charme au jardin pensé par George Sand il y a plus de 200 ans. Une mission possible grâce à l’aide d’un autre jardinier, Frédéric Vélu. « Le domaine étant un monument historique (MH), toute action menée doit être réalisée en conformité avec le plan de gestion établi. Si des modifications majeures doivent être apportées, un dossier argumenté doit être déposé et étudié à Paris par les MH. Cela est un peu contraignant, mais cela évite les dérives et assure une continuité du travail d’un jardinier à l’autre », explique-t-il. Lorsqu’il est revenu à Nohant, Benjamin Aubourg a sollicité ses collègues pour connaître les espèces florales et arbustives que détenait George Sand. « Je m’attendais à une liste restreinte. J’en ai quatre pages recto-verso ! Je pioche dans ce recueil les plantes que nous pouvons mettre dans le jardin. L’idée est de replanter des variétés anciennes, contemporaines de George. Nous avons la chance d’avoir de nombreux écrits de sa main sur son jardin, son évolution, etc. Elle y passait près de 6 h par jour ! », développe le chef jardinier. Toutefois, certaines variétés ne pourront plus égayer les allées du jardin, car les conditions climatiques ne se prêtent plus à leur développement. « La preuve en est que nous pouvons planter en pleine terre des fleurs que George cultivait sous serre », illustre-t-il.
LE BON SENS ÉCOLOGIQUE DE SAND
Le changement climatique était un des sujets pour lequel George Sand était précurseuse. Toutes les gouttières du domaine sont ainsi reliées à des bassins collecteurs d’eau, répartis au cœur du jardin, chacun présentant un système de déverse. Le trop plein du bassin à l’arrière de la maison s’écoule dans les douves, et celui du bassin situé au niveau du potager s’évacue dans le puits voisin. « Ce système était novateur pour l’époque et servait pour l’arrosage du potager, de la roseraie… Elle parlait déjà du dérèglement climatique, de l’importance de protéger la ressource en eau, de la préservation de la nature », transmet Benjamin Aubourg. Pour perpétuer la démarche, le système d’arrosage est ajusté grâce au goutte-à-goutte. Les travaux de désherbage sont effectués à la main à l’aide d’un sarcloir, d’un brûleur à gaz (si nécessaire) et d’un ratissage répété des gravillons de la cour d’honneur et de l’allée centrale. La part des déchets exportés est réduite au maximum. « Seules les mauvaises herbes sortent du domaine, tout le reste est composté ou broyé afin d’être réutilisé sur le site », précise-t-il.
LE SOUS-BOIS AU CŒUR DES ATTENTIONS
Parmi mille choses encore à faire : le réaménagement du sous-bois prévu en 2024. « L’idée est que le sous-bois retrouve les traits que lui avait donnés George Sand. En effet, certains chemins ont été créés au fil du temps alors qu’ils n’existaient pas à l’origine. Il faut aussi retailler certains buis comme ils l’étaient à l’époque, remettre en valeur les sarcophages et autres fossiles qu’elle avait dispersés çà et là pour ses petites filles », détaille Frédéric Vélu. Pour cela, les jardiniers vont se baser sur les écrits de l’écrivaine et sur ceux de ses illustres visiteurs. « Elle était passionnée par la botanique et se laissait influencer par les mouvances artistiques de l’époque. Pour être en accord avec l’âme de Nohant, le sous-bois se doit d’être à son image », poursuit-il, conscient que ces modifications risquent de déplaire aux habitués des lieux. Ce travail de longue haleine s’égrènera au fil de l’année, « nous allons y aller par étape », annonce-t-il. La richesse du jardin remarquable du Domaine de Nohant n’a donc pas fini d’émerveiller les visiteurs.