BOTANIQUE
Le marronnier d'Inde, l'incontournable de l'automne
Si on apprécie la superbe floraison printanière du marronnier, ses fruits qui tombent sur le capot de la voiture font moins sourire. Des marrons qui, pourtant, ont rendu (et rendent encore) de grands services.
Si on apprécie la superbe floraison printanière du marronnier, ses fruits qui tombent sur le capot de la voiture font moins sourire. Des marrons qui, pourtant, ont rendu (et rendent encore) de grands services.


On le dit d’Inde car on crut longtemps qu’il venait de cette lointaine contrée. En fait, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle seulement que l’on apprit que l’arbre pousse spontanément, non pas dans ce pays de l’Orient lointain mais dans les forêts de moyenne montagne du Caucase, des Balkans, de l’Albanie et du nord de la Grèce, plus proches de nous. Pourtant, dès le début du XVIIe siècle, il colonisait l’Europe entière, s’étant multiplié à grande vitesse à partir de quelques marrons rapportés de Constantinople (l’actuelle ville d’Instanbul) par un dénommé Bachelier qui, tout bonnement, les avait enterrés dans son jardin. Très vite, le marronnier s’implanta dans les grandes villes autant que dans les campagnes plus profondes.
Un arbre peu exigeant
Aujourd’hui, le marronnier est partout. Il pousse facilement en plaine, dans les régions de molles collines, sur des terres légères et fraîches, riches en azote ; il apprécie les températures douces, jamais extrêmes, le soleil et la lumière, mais dépérit s’il est planté à couvert.
La sécheresse l’effraie : dès la fin de l’été, lorsqu’il vient à manquer d’eau, ses feuilles jaunissent avant l’heure. Certes, il est grand et majestueux, mais, pour autant, ne vit jamais plus de 200 ans, contrairement à ce que sa haute taille (jusqu’à 20 m) pourrait laisser croire.
Le marron est aussi appelé « Châtaigne de cheval ». Ce surnom lui vient de son nom latin Hippocastanum, sans doute une allusion à cette habitude qu’avaient les Turcs de l’utiliser pour renforcer la vigueur de leurs chevaux. Là, sans doute, débute son histoire médicinale car, par la suite, on lui prêta de nombreuses vertus, plus ou moins avérées : on pensait l’écorce fébrifuge, à l’égal du quinquina péruvien, mais ce fut une fausse piste. En fait, c’est surtout le marron qui tire son épingle du jeu : qui ne le connaît pour soigner une circulation sanguine déficiente et surtout la douloureuse hémorroïde dont chacun se souvient ? Depuis longtemps, dans ce domaine, il tient sa place.
Bon pour le bétail ?
Dès le XVIIIe siècle, certains agronomes, parmi lesquels Duhamel du Monceau, pensèrent qu’il serait un bon aliment pour le bétail, voire pour l’homme (mais, nous le verrons plus loin, il donnait un pain à la grimace). Selon eux, il suffisait d’extraire du marron sa précieuse « farine » pour que, ainsi préparé, il devienne comestible. Mais c’était ignorer que l’extraction, exigeait de nombreuses, longues et fastidieuses manipulations : broyage, décorticage, trempage, lavage à plusieurs eaux (pour faire disparaître l’amertume), égouttage, séchage, etc. De plus, le résultat n’était pas au rendez-vous : on s’aperçut vite que la volaille le boudait et refusait de pondre, que le cochon faisait la fine bouche - le gras de ses jambons s’en ressentait -, que vache, chèvre et mouton ne le consommaient qu’à petites doses… De ce côté, il ne fit pas recette.
Le marron d’Inde est souvent confondu avec la châtaigne à laquelle il ressemble beaucoup. Pour autant, c’est cette dernière et elle seule qui est à la base du « marron glacé » dont on se régale à Noël et que l’on trouve, si appétissant, sur l’étal des meilleurs chocolatiers. A côté, le vrai marron, fait largement grise mine et même jamais envie, tant il est âcre et amer, mauvais au palais comme à l’estomac.
Il n’en est pas moins nutritif car, nous l’avons vu, riche en amidon. Raison pour laquelle, en temps de troubles, on utilisa sa fécule comme succédané de farine : à la rigueur, et à la condition qu’elle fut débarrassée de son amertume, elle pouvait, cette fois, entrer dans la fabrication du pain mais, comme pour le bétail, au prix des mêmes et longues manipulations. Comme on n’avait rien d’autre à se mettre sous la dent, on le mangeait dans l’attente de jours meilleurs. Autant dire que, lorsque la vraie farine (de blé) revenait sur le marché, la sienne était aussitôt délaissée, sans regret.