Macron dans l'Indre
Le président avait choisi l’un des plus beaux villages de France
Une trentaine d’élus locaux, départementaux et régionaux avaient été conviés à venir débattre avec le chef de l’État. Ils ont pu exprimer leurs préoccupations.
Une trentaine d’élus locaux, départementaux et régionaux avaient été conviés à venir débattre avec le chef de l’État. Ils ont pu exprimer leurs préoccupations.

Ça aurait pu être à Saint- Valentin. Le calendrier s’y prêtait. Et l’occasion, comme le lui a dit André Laignel, aurait été parfaite pour « déclarer sa flamme à la ruralité ». Mais le programme des festivités aurait dû être chamboulé. Pas forcément la meilleure publicité pour la fête des amoureux. Et puis là, au coeur de la Champagne Berrichonne, Emmanuel Macron aurait attiré les objectifs et micros de la France des médias sur le territoire marqué de l’empreinte du maire d’Issoudun, vice-président de l’Association des maires de France (AMF), un de ses plus farouches opposants.
Ça pouvait être Gargilesse-Dampierre. Un village cher au coeur de George Sand. Donc au coeur de certains touristes. Quoi de plus emblématique pour mettre un pied dans la terre du Berry ? Et puis là aussi, chez Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), le symbole était au rendez-vous. Il pouvait y avoir quelques échanges musclés. Idéal pour attirer les regards vers un exercice, savamment orchestré, de démocratie participative. En plus, les deux hommes s’étaient déjà rencontrés par deux fois. Et l’élu du Boischaut avait dit souhaiter la réussite du Grand débat national.
Le village classé parmi les plus beaux de France a donc été choisi. Et transformé en forteresse imprenable. Impressionnant le dispositif de sécurité. Des gendarmes partout sur les routes d’accès et dans les airs. En bleu, en noir, en vert, dans les champs, à pied, à moto et en hélicoptère. Des chiens aussi pour flairer le matériel professionnel des journalistes posé à terre en une étonnante ligne droite. Epaulée la presse. Presque maternée. Mais aussi étroitement surveillée, canalisée dans une action conjointe des services dédiés de l’Elysée, de la préfecture et de très nombreux agents de sécurité.
PAS DE GILET JAUNE MAIS DES TAGS
Pas de risque de voir apparaître un gilet jaune à Gargilesse-Dampierre, ce jeudi 14 février 2019. Non, tout au plus quelques mains errantes avaient-elles tagué un « Macron démission », très tôt recouvert par la peinture blanche puis grise des bombes aérosols. Là juste à l’endroit où tout le monde allait passer pour honorer l’invitation de la présidence. Là où tous les journalistes, en mal d’immédiateté, allaient stationner toute la matinée en attendant le déroulement du programme du président. Pas la même chose pour le slogan « Macron dehors » et bien plus encore, allongé sur la chaussée à l’arrivée par Cuzion façon encouragement du Tour de France.
Village fortifié. Mais aussi déserté par ses rares habitants hivernaux. Village seulement peuplé par quelques figures locales avec lesquelles Emmanuel Macron allait pouvoir taper la causette. En parlant de tout, de rien, du ciel bleu et du soleil. C’est vrai arrivé au bon moment pour réchauffer les extrémités gelées du petit matin.
Visiblement, le président a pris plaisir à découvrir le village. Il y a consacré du temps. Au risque de faire attendre ses hôtes, une trentaine de maires sagement regroupés depuis le milieu de la matinée autour des ministres associés au programme de la mi-journée. Ainsi, aurait-il été largement l’heure de déjeuner quand le président, sans les journalistes accrédités pour l’approcher, a fait son entrée dans la ferme du château pour y retrouver les maires et les seules caméras autorisées.
DOLÉANCES ET DÉCEPTION
En introduisant le débat, Vanik Berberian, passé du statut d’hôte bienveillant à celui de représentant d’une partie des corps intermédiaires, a fait part de sa déception. Avec l’élection d’Emmanuel Macron, il avait eu l’espoir d’une nouvelle façon de faire de la politique. Même attaque en règle de la part d’André Laignel quand la parole lui a été donnée, avec la consigne comme à ses collègues, de s’exprimer en deux minutes montre en main. Et l’ancien ministre d’endosser alors son costume de président du Comité des finances locales pour réclamer la libre administration des communes, leur autonomie financière et fiscale. Pour déplorer le désengagement de l’État, la disparition des emplois aidés et dix-huit mois de stigmatisation des maires « trop nombreux, incompétents et clientélistes » selon des membres du gouvernement et selon le président lui-même pour le troisième qualificatif.
Plus consensuelle l’atmosphère avec les autres élus qui ont malgré tout mis l’accent sur plusieurs fléaux : la désertification rurale et médicale, la fracture numérique, le vieillissement des populations et la dépendance, l’action parfois bien trop contraignante des Architectes des bâtiments de France (ABF), la disparition des services de proximité, notamment de la maternité du Blanc, l’absence de reconnaissance du travail accompli, la suppression de dessertes ferroviaires, en particulier à Argenton. Pour attirer aussi les regards sur les richesses d’un département reconnu notamment pour son agriculture.
L’heure de conclure puis d’aller enfin manger allait arriver. Le président de la République s’est livré au jeu des réponses. Sans rien promettre. En justifiant les choix politiques qu’il allait ensuite défendre encore à Déols, au siège d’Egide Aviation à l’aéroport de Châteauroux Centre, devant une trentaine de chefs d’entreprises. Et en l’absence, cette fois, de toute caméra autres que celles officielles.
Ainsi donc s’achèverait cette immersion dans le département de l’Indre qui, si elle aurait pu s’envisager à Saint-Valentin, n’aurait évidemment pas pu s’imaginer à Vatan.