Quelles réponses territoriales face aux transitions sociétales ?
L’assemblée générale du Crédit Agricole Centre Ouest s’est tenue à Châteauroux le jeudi 23 mars. Après une assemblée ordinaire, Jean Viard, sociologue, est intervenu afin d’apporter son éclairage sur les transformations sociétales de cette période post-covid.
L’assemblée générale du Crédit Agricole Centre Ouest s’est tenue à Châteauroux le jeudi 23 mars. Après une assemblée ordinaire, Jean Viard, sociologue, est intervenu afin d’apporter son éclairage sur les transformations sociétales de cette période post-covid.

Jean Viard est sociologue et directeur de recherche au CNRS. Son intervention à l’issue de l’assemblée générale du Crédit Agricole Centre Ouest, le 23 mars à Châteauroux, a apporté un regard sociologique de la société actuelle, instable et en mobilité constante depuis la fin de la période Covid.
Comment se porte la société d’un point de vue sociologique ?
Jean Viard : Le monde a changé. 20 % des gens sont dépressifs, le taux de suicide a augmenté, les liens sont devenus numériques, le télétravail représente 25 % des emplois, 40 % des travailleurs veulent y être. Cela a pour conséquence un nouveau rapport à la maison puisqu’on y travaille, un nouveau rapport à la mobilité et à la ville. On a failli mourir et maintenant qu’on s’en est sorti, on se dit : « qu’est-ce que je fais de la vie qui me reste ? Qu’est-ce que je fais de ma vie privée, de ma vie professionnelle ? ». Le désir de mobilité est très présent : partir en vacances, en weekend. Ceux qui ne partent pas, c’est parce qu’ils ne peuvent pas même s’ils le désirent profondément. Beaucoup de Français ont également changé leur vision du travail et ont la volonté de faire un métier qui crée quelque chose, qui a une utilité immédiate. On n’est moins dans l’attrait du salaire, mais plutôt dans l’utilité du travail mené. Et d’autre part, l’art de vivre a pris le pas sur la production. La qualité de vie au travail est devenue primordiale également.
Quelle est le plus gros bouleversement sociétal depuis trois ans ?
J. V. : Notre rapport au temps a énormément changé. On dispose dans une vie entre 750 000 et 800 000 heures. Aujourd’hui on ne travaille que 15 à 20 % de ce temps-là dans notre vie et on ne s’en rend pas compte. Premièrement parce qu’on fait des études plus longues, parce qu’il y a la retraite mais aussi et surtout, parce qu’on a tellement d’occupations pendant notre temps libre qu’on a l’impression de ne jamais avoir le temps. On est toujours occupé. Depuis le coup de frein brutal des confinements, les gens n’ont plus envie de reprendre une vie comme celle-ci et sont à la recherche de moyens pour la ralentir. Cela passe par le fait de télétravailler, par le fait de se faire livrer un certain nombre d’éléments, mais aussi par le fait de se reconnecter à la proximité qu’elle soit familiale, alimentaire ou professionnelle.
Quel est votre regard sur l’importance du climat et de l’agriculture pour la société ?
J. V. : Aujourd’hui, ce qui va faire l’histoire, c’est la nature. Ce n’est plus l’homme qui va porter le changement social grâce au progrès, l’éducation, etc. Cela change complètement la société aujourd’hui car l’action des hommes doit être d’essayer, ensemble, de rattraper le climat et de construire un monde bas carbone et d’économies renouvelables. L’agriculture a un rôle majeur évidemment car c’est un puits de carbone gigantesque. On a gagné la bataille pandémique, donc l’humanité peut avoir des victoires en commun. La grande pandémie a été une tragédie créatrice dans laquelle on a appris plein de choses. On a remis la science au milieu du village. On a eu un regain de confiance en la science. La France est le seul pays à avoir construit sa modernité sur l’agriculture. Et là encore, c’est quelque chose dont il est possible de s’inspirer, afin de gagner la guerre climatique dans laquelle nous sommes aujourd’hui.